ParkOtheK > Dossiers > Cent Alantar, Architecte de l'... (Partie 1)  

  Rencontrez des personnalités du monde des parcs de loisirs, qui font chaque jour un peu plus rêver les visiteurs par leur talent, leur originalité, ou leur invention. La ParkOtheK vous invite donc à découvrir ou redécouvrir ces personnes via des interviews privilégiées et exclusives.
   


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Depuis le début, la ParkOtheK aime mettre en avant l'univers pluridisciplinaire du monde des parcs de loisirs. Aujourd'hui nous vous faisons découvrir une personnalité avec un riche parcours aux ressorts artistiques, comme nous aimons en voir souvent ici. Projets hôteliers, résidence royale, musées, expositions universelles, parcs de loisirs, films d'animation, notre personnage a mis son grain de sel artistique dans tous ces domaines du divertissement et de l'évasion. Rencontre.


Simon Bourlet : En guise d'introduction sur vous-même, comment qualifiez-vous votre métier ? Quel a été brièvement votre parcours ?

Cent Alantar : J'ai à ce jour un parcours atypique qui m'a permis de pratiquer deux métiers qui sont complémentaires. L'architecture est à mon sens un corps de métier qui donne une solide formation sur la maîtrise de la dynamique de l'espace 3D. Son expression par le dessin est incontournable et rejoint par ce fait le dessin d'animation...Quant au dessin animé: la maîtrise de l'image cinématographique nous amène au rêve et à l'émotion. Comme le disait Walt Disney : "un bon dessin animé se juge à la qualité émotionnelle qu'il dégage sans avoir recours aux dialogues".
De manière succincte, suite à mes études d'architecture à l'UP 7 et l'UP 8 à Paris, j'ai fait mes premiers pas auprès du cabinet d'Architecture Claude Franck. Puis, suite à une annonce, j'ai intégré pendant huit années le cabinet d'architecture de sa Majesté Hassan II, dirigé par Monsieur Michel Pinseau, pour qui je concevais toutes les perspectives et concepts présentés à sa Majesté. Pour terminer, j'ai intégré les Studio d'Animation DISNEY WDFA de Montreuil pendant sept années.


S.B. : Comment êtes-vous tombé dans la "marmite" artistique ?

C.A :
Marmite ou biberon au parfum de térébenthine ? Mon père est artiste peintre et ma mère pianiste.Quand il y a un mariage entre le pictural et le musical, la marmite a une saveur colorée...


S.B. : Quel a été votre premier projet ? Comment l'aviez-vous appréhendé ?


C.A. :
Ce fût l'aéroport d'Agadir. Dès mon entrée au Cabinet M.Pinseau, j'ai été confronté à la réalisation de ce projet exceptionnel. Ma première impression fût que dès l'age de 9 ans, je voulais être architecte, et le rêve devenait réalité...


S.B. : Vous avez réalisé de nombreux projets pour le roi Hassan II au Maroc. En quoi consistaient-ils ? Y avait-il des exigences folles dignes des plus hautes têtes couronnées ?

C.A. :
C'était " fou ".Une forme de mécénat.Ses exigences étaient " Royales " : une anecdote, par exemple quand sa Majesté a souhaité offrir une villa bord de mer à Agadir en guise de cadeau au Prince Héritier d'Arabie Saoudite : je fis cette villa avec une surface d'environ 2 000 m² habitables, pensant que cela serait 'princier'. De retour du Palais Royal, M. Pinseau me dit que sa Majesté souhaitait en fait bâtir une villa de 18 000 m² habitables : chambres, salons de réceptions, piscines et autres se multiplièrent. Comme dirait la pub : "pas assez cher mon fils "...


S.B. : A propos de votre travail sur le Pavillon du Maroc de l'exposition universelle de Séville en 1992, lieu ludique et éducatif vantant les merveilles du Maroc. Ces lieux "ludactiques" ont-ils une architecture différente d'un musée traditionnel ?


Fontaine au
Pavillon du Maroc, à Séville

C.A. : Le Pavillon du Maroc devait être avant tout "une vitrine construite" du savoir faire des Mahlems (artisans Marocains) qui transmettent leurs techniques de père en fils uniquement par voix orale sans dessin à l'appui, pour leur apprendre les zelliges, qui sont des mosaïques Marocaines aux formes géométriques complexes. L'objectif de ce pavillon n'était pas axé sur le côté ludique des choses. Il est certain que si cela avait été le cas, la perception architecturale aurait été différente à mon sens.

La difficulté dans ce domaine est d'allier le sérieux à un regard différent de notre monde d'adulte. Il faut par exemple accentuer la perception des lieux par des couleurs plus présentes, retravailler les volumes de manière parfois caricaturales, mettre une ambiance sonore appropriée, créer des parcours amusants, jouer sur les éclairages, etc. Comme nous l'avons toujours fait dans les long métrages d'animation : aller droit au but, "le focus". Le temps d'analyse d'un enfant face à une image est différent du notre. Ceci peu facilement se retranscrire dans l'architecture, le tout étant d'avoir une solide thématique comme support visuel.

Si les enfants ont tendance à s'ennuyer dans les musées c'est qu'ils sont malheureusement trop conçus "à hauteur d'homme". Il faut les pousser à réagir par eux-même, par exemple devant un tableau d'époque pourquoi pas mettre un casque virtuel qui plongerait l'enfant dans la féerie des couleurs de la toile, faire des gros plans, entrer dans le monde pictural, avec la technologie de pointe mettre en 3D les personnages...qui pourraient leur parler pour leur expliquer l'histoire de ce tableau...etc. Me voilà déjà en train de vous soumettre une autre idée de "parc ludactique ", dans lequel les petits découvriraient cet univers merveilleux de l'histoire de la peinture de Lascaux à nos jours avec des parcours sur l'eau et des embarcations sorties de peintures célèbres.


Le palais du Maroc à l'exposition universelle de Séville, dans toute ses richesses.


Projet Aqualand
pour la presqu'ile d'El Hank

S.B. : L'actualité nous montre que les projets de parcs de loisirs au Maroc se multiplient. Récemment Marrakech a ouvert son parc aquatique Oasiria. Vous avez vous-même participé à l'élaboration d'un projet Marineland pour Casablanca. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce parc ?

C.A. :
Ce projet est malheureusement resté au stade d'étude car il y avait d'autres priorités Royales.A ce jour le roi Mohammed VI entreprend un énorme projet au Bouregreg dans lequel s'inscrira un parc de loisirs...à suivre.

S.B. : Le Maroc pourrait-il devenir à terme une terre de parcs de loisirs ?

C.A. :
Pourquoi pas, le climat y est favorable. Il suffirait que des investisseurs étrangers prennent conscience des lieux et d'une main d'oeuvre pas chère et surtout de qualité. On trouve également des matériaux très nobles comme les divers essences de bois tropicaux qui sont trop chers à l'exportation...Pourquoi pas un parc aquatique sur l'histoire du Maroc ?


S.B. : De 1996 à 2003, vous avez participé à l'élaboration de nombreux films des Studios Disney. Comment avez-vous appréhendé votre arrivée chez eux ?

C.A. :
N'ayant aucune connaissance des techniques du long métrage d'animation, c'est d'abord mon expérience de dessinateur architecte qui m'a ouvert les portes des Studios Disney. Par la suite, pendant une période de six mois, j'ai appris les divers techniques d'approche du Layout qui est la section qui gère la création des décors et des mouvements de caméra. Elle permet vraiment d'avoir une vision globale du film.

J'ai démarré par Hercules avec deux décors majeurs truffés de temples Grecs : normal pour un architecte... Puis ce fut Tarzan pour lequel le réalisateur m'a confié les séquences de combat et de poursuites entre Sabor et Kala, qui nécessitaient un dessin dynamique et solide, avec la séquence du plongeon dans les racines, ainsi que la découverte du monde des singes où les troncs des arbres sont à l'horizontal. Il fallait une ambiance reposante après la poursuite. Par la suite il y a eu The Emporor's New Groove (Kuzco en français) dont j'ai eu l'honneur de faire le workbook de l'introduction du film ( Seq 01 ) ainsi que la séquence 13,5 intitulée Run Lama Run. Puis d'autres films suivirent comme One by One qui est un court-métrage (Fantasia III) et Le Livre de la Jungle 2.

S.B. : Vous êtes au générique du court-métrage d'animation Destino signé Disney et ... le peintre Dali ! Pouvez-vous nous en dire plus sur ce film ?

C.A. :
Destino fut le dernier film sur lequel j'ai travaillé pour le "Visual Developement ". J'ai eu le privilège de réaliser tous les décors. Un vrai bonheur car j'adore Salvador Dali et son monde surréaliste. La difficulté était de faire la synthèse d'un dessin très fouillé surréaliste et d'une vision plus simplifiée cinématographique. On n'avait pas peur de pousser le concept très loin car comme le disait Dali "Ne craignez pas la perfection car vous n'y arriverez jamais !...".
A l'époque Dali avait signé un contrat avec Walt Disney pour ce court-métrage de 6 minutes.Il fit une dizaine de tableaux. 60 ans plus tard en 2002, Roy Disney, le neveu de Disney, a ressorti l'idée des cartons. Le challenge fut de taille car peu de dessinateurs souhaitaient y participer. Sa sortie devrait avoir lieu dans le courant de cette année avec en complément des images d'époque ainsi que des documents tournés dans les Studio de Montreuil...

       
Deux rendus préparatoires exclusifs de Destino, film d'animation Disney.

S.B. : En plus de votre activité d'architecte, vous peignez et exposez des oeuvres artistiques qui ont été primées...


Azay-le-Rideau, aquarelle.

C.A. : J'ai effectivement fait beaucoup d'expositions. En particulier dans les deux plus grands palais d'Istanbul : Topkapi et Yildiz Saray. Dans mon enfance j'étais fasciné par le Maître incontesté de l'aquarelle J.M .William Turner que j'ai essayé de copier dès l'âge de dix ans. Beaucoup de feuilles sont parties à la poubelle... L'apprentissage de l'aquarelle à l'inverse des idées reçues est particulièrement difficile car vous n'avez pas la possibilité de retoucher comme à l'huile. A l'époque mon souhait était de mettre en avant la beauté de notre patrimoine architectural parfois tant massacré par certain promoteurs. Notre passé a une valeur inestimable, il suffit de lever les yeux et regarder avec amour toutes les bâtisses qui par leur beauté cache un dur labeur de plusieurs générations. A notre époque on zappe un peu trop vite...


S.B. : Vous avez imaginé un incroyable projet de parc aquatique indoor baptisé Acquantica. Un mélange de styles et d'époques. Comment vous est venu ce concept ?

C.A. : Architecte à la base, puis Layoutman au décor chez Disney, il n'y avait qu'un pas à franchir pour faire la synthèse de mes deux métiers...L'idée du projet ACQUANTICA m'est venu quand j'ai constaté que nombres de parcs d'attractions type marineland, aquaboulevard ou autres, laissent trop en évidence le style "tube en plastique bleu à structure acier". Je souhaitais pour ACQUANTICA allier les sensations à l'émotion visuelle que peut créer une ambiance historique. Notre monde est à 70% constitué d'EAU. Nous naissons dans l'eau : elle fait partie de notre vie. Un hymne à cet élément vital me semble incontournable...


Acquantica : un hymne à l'eau

Pour Acquantica, le visuel du projet est une immense goutte d'eau, constituée d'un escalier colonne centrale à double hélices comme le château de Blois, à la différence près que l'une des volée est faite d'un toboggan qui descend en longeant l'aquarium : "descente dans les fonds marins ".

                

Une colonne comme élément central, inspirée de la Renaissance.

La structure est faite des divers styles de colonnes de la Préhistoire, en passant par l'Egypte pour terminer par la Renaissance en partie haute. Les sous-sols "Abyssland" sont réservés aux explorations sous-marines aux travers des ruines des galions et sites archéologiques avec de petits engins submersibles. L'idée majeure est d'associer le jeux (lazy river, spectacles d'orques et dauphins, toboggan, passages secrets aquatiques dans les bains Egyptiens, descente dans les contreforts gothiques, cascades dans le château d'eau...nager parmi les requins), à la détente (dans les thermes Romains :bains de boue, jacuzzi etc. dans des espaces plus intimistes décorés par des fresques historiques dont les parfums pourraient être diffusés en accord avec les senteurs de l'histoire).


Des voyages au fil de l'eau et de l'Histoire.


Excursion dans les profondeurs.

"Médusa" en partie haute serait un espace de restauration panoramique avec un plancher en verre sur l'aquarium central, accessible par des ascenseurs en forme de gouttes d'eau, et dans les abysses, un restaurant immergé vous servirait des spécialités exotiques aux saveurs iodées. Pour terminer la journée, les resorts seraient sur le pourtour du parc, avec un service hôtelier historique aux ambiances colorées par les costumes d'époque, tout comme les chambres.

      

      

      


Une mosaïque historique.

S.B. : A quel pays ce parc conviendrait-il le mieux ?

C.A.: Ce projet est ouvert à tous pays. A ce jour je suis ouvert à toutes propositions de sociétés spécialisées dans le montage d'opération de parcs à thèmes qui seraient intéressées par le concept associant l'histoire au ludique. L'essentiel étant de donner du REVE et de l'IMAGINAIRE aux enfants avec des décors dignes de leurs demandes. Il n'est pas impossible que Dubaï soit un site que l'on puisse envisager avec d'autres partenaires, secrets cette fois... à la différence près que l'église serait transformée en mosquée avec pour coupole une goutte d'eau....nous serions dans l'océan de sable oriental...."l' eauasis ". Venez y prendre le thé avec les enfants !


Suggestion externe d'Aquantica pour Disney  


Vue de l'entrée.


Cent Alantar a également réalisé de nombreuses illustrations de livres pour enfants.

S.B. : D'autres projets en cours ?

C.A.:
Les projets à venir sont à ce jour au secret de notre imaginaire, mais à suivre à la loupe. Par contre d'autres idées comme l'association de l'histoire à d'autres thématiques me travaillent. Cela pourrait aller de la musique,aux véhicules de locomotion,aux quatre éléments " eau terre feu air".
Imaginez un parc ludique de la musique avec pour décors tous les instruments d'hier et d'aujourd'hui : bassins en formes de violoncelle, looping et toboggans en volute de violon, orgue aquatique avec possibilité d'espace de spectacle d'orchestre etc. : un hymne à l'art musique.


Nous sommes des bâtisseurs de rêves pour nos enfants, il ne tient qu'à nous de leur offrir des promenades dans ce monde imaginaire des parcs à thèmes où les couleurs chatoyantes caressent animaux, elfes, demeures de rêve, parcours ludiques où une douce musique nous fait tournoyer autour du manège du 8ème art qu'est l'univers des parcs.


Liens
Site officiel de Cent Alantar : http://www.alantar-cent.com/

Propos recueillis par
Simon Bourlet


Dessins et images reproduits avec autorisation. Tous droits réservés Cent Alantar, Disney et ParkOtheK.

ParkOtheK - Rubrique Rencontre - Janvier 2006 - Contact : Simon Bourlet