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Disneyland Paris en Musique ! Première Etape: "En scène s’il vous plaît".
Un parc à thème dans un magazine consacré aux musiques de films? Il y a de quoi surprendre. Et pourtant, dans le cas de Disney, il n’y a rien de plus naturel, et cela tient tout simplement aux origines du parc, tel que Walt Disney l’a conçu. Comme toute chose chez Disney, l’aventure de Disneyland a commencé avec une étincelle. Une étincelle où se mêlent présent, passé et futur. Avec Disneyland, Walt crée donc le premier parc à thème de l’histoire, un endroit qui ne se contente pas d’être un lieu de divertissement, mais également un lieu d’expériences, un lieu à vivre. C’est le monde de Disney qui prend forme en trois dimensions. "Lorsqu’ils sont dans le parc, je ne veux pas que les gens puissent voir le monde réel dans lequel ils ont l’habitude de vivre. Je veux qu’ils sentent qu’ils sont dans un autre monde". Il s’agit donc de créer un monde totalement maîtrisé, du moindre brin d’herbe au moindre mouvement des Audio-Animatronics (à partir de 1959), de l’architecture à la musique, des couleurs des bâtiments aux parfums des fleurs, afin qu’il soit vraiment l’expression parfaite de l’idéal de Walt Disney. Pour ce faire, Walt fait tout naturellement appel à toute une équipe issue pour la plupart de ses studios d’animation. Ce sont les "Nine Old Men", les légendes de l’animation comme Marc Davis (à qui l’on doit notamment l’impressionnante Maléfique), des directeurs artistiques et des scénaristes comme Ken Anderson ou encore John Hench. Quant aux compositeurs, ils sont eux aussi issus pour la plupart du monde du cinéma, comme Oliver Wallace (CENDRILLON, ALICE AU PAYS DES MERVEILLES, PETER PAN, LA BELLE ET LE CLOCHARD) qui compose Meet Me Down On Main Street en 1956 ou George Bruns (LES 101 DALMATIENS, MERLIN L’ENCHANTEUR, LE LIVRE DE LA JUNGLE, LES ARISTOCHATS, ROBIN DES BOIS) qui compose en 1967 la chanson des Pirates des Caraïbes. Disneyland, et à fortiori Disneyland Paris, a été conçu par des artistes de cinéma, des raconteurs d’histoires. A ce propos, John Hench, dans Building a Dream de Beth Dunlop, se souvient: "Chacun de nous venait du cinéma. C’est la raison pour laquelle le parc est ce qu’il est, comme un plateau de tournage. Nous avons créé cet environnement pour l’action. Walt a utilisé quantités de techniques issues du cinéma". Pour Christopher Finch, dans son célèbre Art de Walt Disney, "Au delà de l’originalité de son plan, ce qui fait que Disneyland est radicalement différent des parcs d’amusements qui l’ont précédé est le fait qu’il ressemble aux coulisses d’un studio de cinéma. Les différents procédés entrant dans la construction de décors de cinéma sont les mêmes qui ont été utilisés pour Main Street et Frontierland. Les différences viennent du fait que les "décors" de Disneyland ont été construits pour une utilisation soutenue et que, tandis qu’une rue de cinéma n’est composée que de façades qui donnent sur des lieux de stockage ou des espaces vides, les rues de Disneyland sont ponctuées de portes qui donnent accès à des magazines et des restaurants, ainsi qu’à des attractions et des divertissements". Conçu à l’image du cinéma, Disneyland raconte une histoire: c’est la base de toutes les productions de Disney. En cela, Disney se fonde sur les structures mentales les plus essentielles de l’homme. Le philosophe Paul Ricoeur parle à ce propos d’ "identité narrative": l’homme est un animal narratif, qui se définit dans le temps, la chronologie, donc par le besoin d’histoires pour comprendre le monde et pour se comprendre lui-même. C’est en cela que le message de Disney est universel. Mais Disneyland va encore plus loin, en racontant non pas une, mais des histoires, et ce sur un mode plus interactif que le cinéma. Il induit des réactions: comme le dit John Hench, "Il y a quelque chose de plus qu’un parc d’attraction ici. Il agit manifestement sur les gens". Christopher Finch ajoute: "Les créateurs de film ont été formés pour penser de façon séquentielle: une situation doit conduire à une autre afin de créer un flux narratif. Les mêmes procédés narratifs ont présidé à l’organisation du parc. Tandis que le visiteur est conduit d’un endroit à un autre, des changements scéniques élaborés donnent l’impression d’une succession précise et satisfaisante d’événements. La différence est que la narration dans un film se fait de façon linéaire, du début vers la fin, tandis qu’un visiteur du parc est libre de choisir parmi toute une série d’options, comme pour un jeu vidéo. Il peut donc écrire sa propre histoire, dans la mesure où les éléments de base qu’il utilisera auront été soigneusement prévus par les designers". Dans ce cadre, la musique, comme dans l’animation, est loin de se cantonner à un rôle décoratif: elle participe activement, au même titre que l’architecture et la mise en scène, mais avec ses propres moyens, à la promotion de ces histoires. C’est justement du fait que Disneyland est l’oeuvre de Walt Disney et de ses animateurs - et non simplement d’architectes - qu’il fait une place de choix à tous les moyens d’expression disponibles utilisés en synergie, afin de créer une expérience totale. Pour J.G. O’ Boyle, "Disneyland n’est pas juste un environnement physique, mais un réseau complexe de signes qui suscitent et retiennent l’attention en utilisant l’architecture, le design, les spectacles animés et réels, la vidéo, le son et la musique". Et nous touchons ici justement à une part importante de la musique dans le parc: les spectacles. Depuis son ouverture, le 17 juillet 1955, comme le dit Walt lui-même, "Disneyland est un spectacle". Dans sa très belle biographie de Walt Disney, Un Américain Original, Bob Thomas évoque un épisode caractéristique de la conception de la musique pour les spectacles de Disneyland: "Le chef d’orchestre Tommy Walker eut également pour mission de trouver un musicien pour diriger l’orchestre qui descendrait le long de Main Street et donnerait des concerts dans tous les points stratégiques de Disneyland. Walker semblait sous-estimer les mérites de son père Vesey Walker, chef d’orchestre de l’armée et responsable de trente formations éminentes. ‘Bon Sang Tommy, tu sais bien qu’il nous faut les personnes les plus qualifiées’, gromela Walt. Puis, s’adressant au père avec sa légendaire phonétique: ‘A présent Veechy, tu dois te rappeler ceci: si les gens partent d’ici sans fredonner ce que tu leur as joué ce n’est pas la peine de leur jouer.’ Le doyen des Walker devint donc une figure célèbre de Disneyland, imprégnant les lieux de l’élégance avec laquelle il dirigeait son orchestre".
La diversité est peut-être le mot qui définit le mieux Vasile Sirli. D’origine roumaine, il commence son apprentissage de la musique par le piano dans le but de devenir concertiste, puis s’intéresse à l’écriture, dans le cadre de l’Académie de Musique de Bucarest. Mais sa curiosité le pousse à s’intéresser à d’autres musiques, d’autres univers. En marge de la culture officielle, Bucarest connaît une vie musicale très riche, et le jeune Vasile va fréquenter le milieu du jazz et du rock alors discrètement introduits en Europe Centrale, et va aussi découvrir le cinéma. "Dès qu’un film - comme LES PARAPLUIES DE CHERBOURG par exemple - sortait, nous allions le voir et nous nous efforcions d’en retenir le maximum pour le jouer ensuite entre nous, uniquement de mémoire. C’est très formateur". Il s’intéresse ensuite à la musique byzantine (encore un pied de nez au commun isme), puis devient éditeur de musique pendant huit ans pendant lesquels il développe encore son goût pour la multiplicité culturelle en fréquentant tous les styles, en particulier la musique contemporaine roumaine. Il sera ensuite directeur artistique de la maison nationale de disques roumaine où il produira, entre 1980 et 1984, pas moins de 210 albums par an, dans tous les genres, et qui seront récompensés par de nombreux prix. Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre dans sa passion de l’écriture, notamment pour le cinéma et le théâtre. En 1986, il arrive en France en tant que réfugié politique, et repart donc de zéro. Toujours passionné par la création, il devient compositeur free-lance, et c’est dans ce cadre qu’il est remarqué par le directeur des divertissements de Disney qui lui propose en 1990 de composer une maquette pour la toute première parade d’Euro Disneyland. "J’ai été contacté pour présenter un projet précis pour Disney, un univers dont je ne connaissais absolument rien. J’ai même fait deux maquettes car si on ne fait pas une bonne appréciation du produit, on risque d’être déçu. Tout cela a duré d’avril à décembre, jusqu’à la signature définitive. Il m’a fallu du temps pour me décider à travailler pour Disney, il a fallu apprendre à connaître cet univers, cette musique. Car il faut vraiment adhérer à cet univers, et vouloir chercher à l’enrichir, sinon cela conduit à un grand malaise pour le compositeur qui ne peut pas s’intégrer". Et l’on ne peut qu’être conquis par la musique de Disney. "Toute la vie se trouve dans cette musique. Elle fait appel à des structures humaines universelles. Il s’agit d’une attitude de bâtisseurs de cathédrale dans un monde frivole. Les valeurs de Disney étaient valables dès le départ, en particulier parce qu’elles étaient fondées sur le conte, sur quelque chose d’éternel que Disney a su actualiser, rajeunir par le biais du dessin-animé alors naissant dans les années vingt, afin de vraiment toucher le public. Et cette attitude est demeurée très cohérente, tout en étant sans cesse actualisée. C’est ce qu’ont montré HERCULE, et plus récemment KUZCO, L’EMPEREUR MEGALO. Aujourd’hui, on ne pourrait plus comprendre une tragédie grecque ou du Rabelais dans leur forme d’origine, il faut les adapter à notre temps. C’est cela Disney, la qualité de la musique associée à la qualité du message transmis et qui passe par l’émotion". Vasile Sirli occupe une place unique dans un parc Disney. Tandis que les parcs américains font appel à des compositeurs différents pour leurs parades et leurs spectacles (Bruce Healey pour le (fabuleux) spectacle Fantasmic!, Ted Ricketts pour Fantasy in the Sky, le feu d’artifice du Magic Kingdom de Walt Disney World, Ira Antelis et Gavin Greenaway pour la Walt Disney World Millenium Celebration d’Epcot), Disneyland Paris possède un seul et unique compositeur, ce qui confère à ce dernier une position à part dans le monde de la musique. "Quand on considère l’écriture musicale depuis des siècles, on s’aperçoit que les compositeurs ont écrit le plus souvent pour des commanditaires, des mécènes. Cette opportunité de travailler en permanence pour quelqu’un n’existe pratiquement plus. Pourtant, la contrainte n’est qu’apparente. J’ai en fait une liberté énorme, et c’est une sorte de challenge que d’avoir à créer quelque chose, de faire vraiment acte de création, dans un cadre donné. Il faut comprendre ce que l’on attend de vous. Je fais partie d’un grand spectacle multi-scène et pour une très longue période. Dans mon travail, j’ai besoin de comprendre le passé de Disney. Dans ces conditions, j’ai vraiment la possibilité de le faire afin de comprendre le présent et de créer pour l’avenir, prolonger la tradition, l’expression artistique Disney, travailler dans la continuité musicale de Disney. Pour le parc, je n’écris pas dans mon propre style, mais mon expérience personnelle me permet de renouveler le produit Disney pour lui donner une fraîcheur nouvelle, car les générations et les goûts changent de plus en plus vite, et il faut sans cesse s’adapter et créer. Je p eux ainsi enrichir les thèmes traditionnels Disney de nouvelles variations, les actualiser, en y associant des musiques originales de ma composition".
De cette collaboration unique et fructueuse entre Disneyland Paris et Vasile Sirli sont nées des dizaines d’oeuvres aux styles les plus variés, que l’on peut retrouver à travers tout le parc, de Main Street à Discoveryland, et qui font déjà partie des classiques Disney si l’on en juge par leur succès auprès des visiteurs, tant d’un point de vue commercial (en terme de succès discographique) qu’affectif. Il n’est que de constater l’émotion de spectateurs lors des spectacles MULAN, LA LEGENDE ou TARZAN, LA RENCONTRE ou encore l’enthousiasme des enfants qui ne peuvent s’empêcher de taper dans leurs mains et de chanter les chansons des parades avec les personnages Disney pour s’en convaincre. C’est ainsi que pour Dancin’ (A Catchy Rhythm), la chanson de la Parade du Monde Merveilleux Disney, il a fallu relancer la production du single à cause d’une rapide rupture de stock!
Reprendre les thèmes traditionnels de Disney et les prolonger de façon originale, telle est bien l’ambition des spectacles de Disneyland Paris. L’un des plus emblématiques d’entre eux est sans nul doute MULAN, LA LEGENDE, donné tous les jours sur la scène de Videopolis à Discoveryland depuis le 28 novembre 1998. Quarante-neuf artistes venus de Chine, issus de la Hebei Acrobatic Troup of China et du Flag Circus of China présentent une grande fresque épique basée sur le trente-sixième Grand Classique des studios Disney, mise en scène à travers trois tableaux acrobatiques. On passe ainsi d’acrobaties de cour, féminines et sophistiquées pour le village de Mulan à la fameuse danse des lions pour la Cité Impériale, en passant par le kung-fu pour camp d’entraînement. Vasile Sirli a bien sûr réutilisé les thèmes du film, ceux des chansons de Mattew Wilder (Honneur A Tous, Réflexion, Comme Un Homme et Une Belle Fille A Aimer), comme ceux de Jerry Goldsmith (la petite danse de sept notes pour Mulan et Attack Of The Wall pour l’arrivée des Huns), mais les a réarrangés et réorchestrés de façon à former une grande page symphonique digne de la fameuse Suite From Mulan. De part et d’autre de la scène ont été placés deux immenses tambours ou gu joués en même temps que les fameuses triades qui accompagnent la petite danse de Mulan (voir DtD #12), ce qui donne à cette musique une résonance inouïe. Mais Vasile Sirli a également introduit ses propres thèmes dans ce mouvement symphonique, The Ancestors et Mushu, qui viennent apporter l’un la dimension mystique de cette aventure (la scène des Ancêtres n’est pas musicalisée dans le film et est plutôt humoristique), ainsi que la dimension comique qui manquait au spectacle. Le tout formant maintenant un ensemble très équilibré qui joue une grande part dans le succès et la longévité de ce spectacle. Pour TARZAN, LA RENCONTRE, l’autre grand spectacle du parc basé sur un long-métrage d’animation, présenté à Chaparral Theater, Frontierland, en été, Vasile Sirli a fait appel à toutes les versions des chansons de Phil Collins, de l’anglais au français en passant par l’allemand et l’espagnol. Au langage international de la poésie et du cirque fait maintenant place l’interprétation internationale de l’ex-chanteur de Genesis, là encore agrémentée de quelques séquences instrumentales de Mark Mancina et Vasile Sirli permettant à l’histoire de se développer en toute liberté sur la scène. D’ailleurs, c’est précisément le traitement de l’histoire, c’est à dire le rapport étroit avec le cinéma, la ré-interprétation scénique des films Disney qui fait toute la valeur de ces spectacles. Ainsi, si le spectacle de Walt Disney World TARZAN ROCKS ! s’apparente plus à un concert et à une démonstration de rollers, sa version parisienne utilise les mêmes procédés narratifs que le film. On se souvient en effet qu’à l’origine, les chansons de Phil Collins n’étaient pas utilisées de façon traditionnelle, proche de la comédie musicale, totalement intégrées dans le déroulement de l’histoire. Dans TARZAN, les chansons sont toujours dans l’histoire, mais prennent distance d’avec elle. C’est ainsi que les séquences chantées s’apparentent plus au clip vidéo ou au montage qu’à un récit classique. Il en est de même dans TARZAN, LA RENCONTRE. En se focalisant sur les chansons, la mise en scène s’apparente plus à un tableau qu’à des scènes classiques qui s’enchaîneraient, se déduiraient naturellement les unes des autres. Contrairement à MULAN, LA LEGENDE, qui reprend et suggère une à une chacune des scènes du film en leur donnant une nouvelle dimension à travers l’acrobatie, TARZAN, LA RENCONTRE choisit les extraits qui l’intéresse pour se concentrer sur les vraies valeurs du film que consacrent les chansons. Les deux spectacles sont donc véritablement à l’image de l’approche musicale de leur film d’origine et le transfert du cinéma à la scène ouvre en fait ainsi de nouvelles perspectives à l’art scénique, offrant ainsi de nouveaux concepts et de nouvelles approches au monde du spectacle. De cette façon, ce n’est pas seulement le cinéma qui entre à Disneyland Paris, mais c’est une recréation artistique perpétuelle qui s’accomplit ici chaque jour.
Les parades sont aussi un ingrédient essentiel des parcs Disney et certaines comme la "Disney’s Magical Moment Parade" de Walt Disney World, sont devenues mythiques et parcourent tous les jours les rues de Main Street U.S.A. pour le plus grand bonheur des visiteurs. Et dans ce domaine non plus, Disneyland Paris n’est pas en reste ! Depuis l’ouverture du parc, le 12 avril 1992, pas moins de six parades différentes ont animé Main Street (sans compter les parades spéciales comme "Disney’s California Dreams", "Disney’s Carnaval" celle du cinquième anniversaire, "Le Carnaval des Fous" (1997), ou encore "Mulan Celebration" (1998), chacune constituant un nouveau challenge artistique et technique offrant de nouvelles visions de la parade en tant qu’évé nement. Comme l’explique Vasile Sirli, dès le départ avec "La Parade Disney", les parades sont créées sous le signe de l’innovation. "La première parade, créée en 1992 pour l’ouverture du parc, était basée sur le désir de mettre en valeur des moyens techniques révolutionnaires et inédits. On m’a demandé de créer une musique polyphonique, perçue comme simple, écrite en exploitant le tout nouveau système de diffusion de la musique créé pour Disneyland Paris. En fait, le trajet de la parade est découpé en zones, avec un système audio indépendant pour chaque char tandis que des capteurs installés dans les pavés de Main Street reconnaissent le char qui est en train de passer dans leur zone. Il fallait donc une écriture qui permette d’obtenir un résultat très simple en un point donné. La musique diffusée aux poteaux de Main Street changeait alors à chacun des quatorze chars sans que les spectateurs puissent savoir à quel moment la musique a changé. Il fallait prendre en compte le fait que chaque passage de char dans une zone devait avoir la même durée et qu’il ne fallait pas assommer les comédiens par trente minutes de la même petite musique en boucle. J’ai écrit cette musique en deux semaines. Chaque extrait avait la même durée, tout comme les ponts (1:40 par char). La mesure pouvait changer, le tempo aussi, mais le timing devait être le même. Chaque extrait pouvait ainsi se superposer aux autres de façon naturelle et les ‘cross-fade’ [encore un terme de cinéma!] étaient ainsi indétectables, pour une expérience unique en son genre". La seconde grande parade est la "Parade du Monde Merveilleux Disney" initiée en 1998, "L’Année des Grands Classiques", la première parade interactive, dans la mesure où cinq cents enfants du public peuvent à y prendre part, composée elle aussi de quatorze chars évoquant chronologiquement les grands classiques Disney, de STEAMBOAT WILLIE à HERCULE. Cette fois, c’est un autre type de musique qui est produite: "Il fallait prendre en compte l’interactivité, qui impliquait des arrêts. Il fallait donc composer une musique pour ces arrêts et une musique pour les déplacements. A cet effet, j’ai écrit la chanson Dancin’ (A Catchy Rhythm) qui fait office de générique lors des déplacements". Une chanson dans un style très actuel, avec un effectif réduit et des sons électroniques proches de la techno (claviers et cuivres), très différente des déploiements symphoniques auxquels on peut assister aux Etats-Unis, dans les parades "Disney’s Magical Moments Parade" pour le Magic Kingdom, ou surtout "Tapestry of Nations" (Gavin Greenaway / London Symphony Orchestra) pour Epcot. Et c’est bien là toute la spécificité de Disneyland Paris: "La parade a un autre sens dans la culture américaine. En Europe, elle est traditionnellement moins joyeuse qu’aux Etats-Unis, et en particulier au Sud des Etats-Unis. Pour Disneyland Paris, nous avions besoin d’un message direct, de faire appel à des références européennes en matière de fête et de prendre en compte un public multiculturel, avec une forte personnalité pour chaque pays . De plus, il fallait dépasser les conditions météo en créant quelque chose d’énergique et de jeune, et apporter par la musique la lumière qui fait défaut à la région parisienne. Le modèle absolu en matière de chanson étant les frères Sherman, pour leur simplicité et leur poésie. Nous n’avons fait que l’adapter". La conception particulière de la "Parade du Monde Merveilleux Disney" a également inspiré celle de l’impressionnante "Disney’s ImagiNations Parade" (2000), avec sa chanson All Around The World, toujours dans un style proche de Dancin’ (A Catchy Rhythm), mais avec encore pl us d’allant. Là, le message festif se double d’un message d’harmonie entre les peuples dans la mouvance du leitmotiv Disney pour le nouveau millénaire: "Celebrate the Future Hand in Hand", et ce nouveau style fait merveille dans ce cadre par sa vitalité contagieuse et l’universalité de son propos. Mais Disneyland Paris est loin d’avoir épuisé toutes les ressources de son imagination, et il nous le prouve avec sa toute dernière création, "Disney’s Toon Circus", la manière Disney de célébrer l’année du cirque qui commence. Cette fois, c’est le concept-même de parade qui est revisité, avec un spectacle d’une conception unique, comme nous l’explique Kat de Blois, la directrice artistique du parc. "On va prendre un grand concept traditionnel européen qui est le cirque, on va le marier avec un mot magique que l’on connaît tous qui est ‘Disney’, et qu’est-ce que Disney fait bien? ‘Cartoons’. Donc Disney’s Toon Circus. On va créer vraiment une unité que l’on n’avait pas eu jusqu’à maintenant". Cette fois, il ne s’agit plus d’une procession: c’est le cirque qui se déploie devant nous sur Main Street, avec toutes les disciples représentées, avec trois chars (un ring de box avec Dingo en "Mr Muscle", le train de Dumbo avec Roger Rabbit et Minnie, et le trapèze de Hyacinthe, l’hippopotame de FANTASIA), chacun présentant son propre show (faisant son propre cirque!) sous le regard de Mickey-Monsieur Loyal. Vasile Sirli nous présente ainsi le processus de création de ce spectacle étonnant: "Le début de l’écriture pour ce spectacle a commencé le jour où on a parlé pour la première fois de cette idée d’avoir un spectacle de cirque à l’intérieur de Disneyland Paris, il y a huit ou neuf mois. Il faut savoir que tout le processus de préparation de la musique reste très théorique au tout début pour avoir l’idée qui pourrait déclencher l’écriture, et après, l’écri ture elle-même a duré quelques semaines. C’était surtout pour trouver l’équilibre de la musique parce que c’est un spectacle de rue, c’est un spectacle en plein air, sur trois scènes différentes, c’est une ambiance totalement spéciale. Il fallait trouver une seule et unique musique pour les trois scènes en sachant que sur chaque scène on aura des actions différentes. Donc, comment trouver la bonne moyenne pour que ce ne soit pas ridicule, sans que quelque chose qui correspond à la scène n°2 ne soit pas parfaitement synchronisé avec la scène n°1". "Disney’s Toon Circus" constitue donc un nouveau challenge, une nouvelle structure narrative, une nouvelle façon de raconter des histoires, une nouvelle interactivité avec le public, dans la mesure où la musique (la même pour tous les chars) et le lieu (Main Street) doivent assurer l’unité du spectacle, tandis que le spectateur peut choisir de voir plutôt tel ou tel char, en fonction de sa personnalité et de son humeur. C’est une véritable démarche active qui est suscitée par ce spectacle, et la possibilité, cette fois dans le cadre de cette parade revisitée, de créer sa propre histoire, tout comme la structure du parc nous invite à le faire. A partir de là se met en place une véritable collaboration, un véritable échange entre la musique et la mise en scène: "Premièrement, j’ai demandé à connaître dans le détail le concept du spectacle - donc le scénario - et les envies de ses créateurs, et après, bien sûr j’ai proposé des éléments de musique, pas seulement du point de vue mélodique, mais du point de vue de la dynamique qui correspondait aux désirs des producteurs. Donc on a travaillé ensemble pour avoir le rythme nécessaire On est arrivé à une structure symphonique proche du concerto: vif - lent - presto, ce qui permet à la fois une structure très équilibrée et une tension toujours ascendante. Une fois terminée, bien sûr, la musique devient elle-même une sorte de scénario, c’est la musique qui va tout mettre en place et donc la musique devient la base du travail, c’est le texte". Une merveilleuse osmose entre musique et mise en scène qui n’est pas sans rappeler la grande époque du tandem Howard Ashman / Alan Menken dans le monde du dessin-animé. "Parmi les sujets traités par Disney dans ses films, dessins-animés ou non, si on propose ‘cirque’, on trouve tout de suite DUMBO, donc je trouve tout à fait normal de revisiter des thèmes qui ont déjà été traités dans les films. Il y a donc des extraits de la musique de DUMBO, et puis il y a d’autres thèmes qui peuvent être très facilement adaptés. Il y a dans QUI VEUT LA PEAU DE ROGER RABBIT des musiques qui peuvent très bien faire musique de cirque en orchestrant et arrangeant différemment". L’humour est très présent, et ce nouveau spectacle était l’occasion idéale pour l’ironie et le second degré. Vasile Sirli s’est donc permis de jouer avec les thèmes Disney en détournant malicieusement Someday My Prince Will Come. Tandis que Hyacinthe s’essaie au trapèze avec toute la grâce et la féminité qu’on lui connaît (!), la musique la plus romantique de Disney, interprétée avec la légèreté du xylophone, se voit affublée d’un contre-chant "hyppopotamesque" à la trompette, faisant de cette scène un petit chef-d’oeuvre d’humour. Jamais les thèmes classiques de Disney n’avaient été traités de la sorte! "Bien sûr, la préoccupation, c’était d’évoquer le plus possible Disney, parce que le public qui vient visiter le parc Disneyland Paris vient pour Disney, et à cela on a rajouté des thèmes spécifiques au cirque en général comme le thème de la célèbre Entrée Des Gladiateurs de Julius Fucik. Puis on a rajouté des variations sur des musiques très, très connues, et il y a bien sûr une approche originale parce que Disneyland Paris a toujours voulu montrer sa personnalité et sa différence par rapport aux autres parcs Disney". Cette personnalité se ressent donc dans l’écriture, mais aussi dans la couleur de cette musique, une couleur qui ne ressemble à aucune autre musique écrite pour le parc. "En ce qui concerne la couleur globale de cette mus ique, on s’est dit que le cirque devait être traité dans le sens du cirque traditionnel, et de ce qu’il représente en Europe. Donc, on a voulu que cette musique soit très européenne comme attitude, et on s’est dirigé vers un classicisme européen, et quand je dis européen, c’est vers l’Europe Centrale qu’on se dirige. J’ai le plaisir de travailler avec un collaborateur qui est d’ailleurs américain, mais qui adore la musique européenne, Dave Volpi. Je lui ai demandé sa participation en tant qu’orchestrateur et on a travaillé ensemble. On a voulu enregistrer dans des conditions qui se rapprochent le plus possible du sentiment d’Europe Centrale et de ce que représente le cirque traditionnel. Et c’est pour ça que l’on a demandé la collaboration du Budapest Film Orchestra. On a enregistré avec quatre-vingt personnes et ça s’est très bien passé". Le spectacle s’ouvre et se ferme avec la chanson And Now You Enter The Circus, peut-être la chanson la plus réussie du parc, alliant une orchestration symphonique à une mélodie sublime reprenant les gestes d’écriture propres au cirque: une simplicité globale de la ligne qui fait que tout le monde peut la retenir, agrémentée de quelques chromatismes caractéristiques de la musique de cirque traditionnelle, fin dix-neuvième, le tout sur l’harmonie de l’Entrée Des Gladiateur, dont la mélodie est également citée en contre-chant. Un véritable petit bijou qui charme et transporte littéralement le public à chaque fois qu’il résonne dans Main Street. Une chanson qui, à n’en pas douter, va très vite devenir un classique, par son entrain et sa candeur, dus également au choix, pour la première fois, de voix enfantines. "Nous avons également fait appel à un choeur d’enfants - (Babette Langford’s ‘The Young Set’ de Londres, qui vient souligner, s’il était encore besoin, la dimension et le rayonnement européens de Disneyland Paris - JN), pour bien incarner un climat général qui tourne autour des clowns (pas des cracheurs de feu), afin de bien associer enfance, cirque et cartoon. C’est le message que nous voulions faire passer par cette musique". L’enfance, le rêve, la fantaisie, la folie. On se saurait imaginer plus belle invitation! Et il ne s’agit que d’un infime aperçu de toutes les merveilleuses productions du parc, il y aurait encore beaucoup à dire sur les feux d’artifices ("Les Feux de la Fée Clochette") ou sur les nombreux autres spectacles qui ont vu le jour là-bas. Car Disneyland Paris ne se raconte pas, il se vit. Et si nous avons réussi à vous transmettre un peu de notre enthousiasme et l’envie de vous y rendre, c’est que sa magie aura pleinement opéré. La seconde étape de notre voyage musical à Disneyland Paris est accessible en bas de cette page; cette fois autour des attractions. Nos remerciements les plus chaleureux à Disneyland Paris qui nous a ouvert ses portes au-delà de nos espérances, et en particulier à Vasile Sirli, Paola Matias, Estelle Champeau et Martina Stüben. Jérémie Noyer.
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