De Belmondo à James Bond

Les dures années de labeur sont passées par là, avec ses tensions, ses angoisses, ses peurs bleues dans des exercices pourtant réglés au millimètre. Et malgré tout cela, l’œil de Rémy Julienne, près de soixante-dix printemps au compteur, pétille à l’unisson de ses souvenirs pléthoriques de cascades inoubliables. Plus de mille deux cents films à son actif . Celui qu’il retient et qui l’a pour ainsi dire lancé « The Italian Job » (L’or se Barre en français) de Peter Collinson avec Michael Caine. Aucun fana de Mini Cooper n’a pu oublier ce film où les Mini dévalent des escaliers plus vite que n’importe lequel des plus efficaces des 4x4. Une anthologie du cinéma en matière de cascades automobiles ! Et puis il y a eu Bébel qui réalisait lui-même ses cascades -chose impossible aujourd’hui en raison du diktat des assurances -, les citrouilles de la grande vadrouille lors d’une scène mémorable de poursuite entre motos allemandes et camions français, mais aussi la série des James Bond, ceux avec Roger Moore, Tymothy Dalton et Pierce Brosnan. Et l’on en passe et des meilleurs. Un souvenir marqué du sceau de l’humour : « Lors d’un tournage du gendarme à Saint Tropez, j’étais habillé en bonne sœur et j’ai été pris d’un besoin naturel pressant. Je l’ai soulagé sur le bord de la route sous les yeux éberlués de certains badauds ». Plus récemment, Rémy Julienne a prêté son concours à Luc Besson pour Taxi 2 dont le tournage a été émaillé d’un tragique accident, prouvant par la-même que la cascade, préparée le plus scientifiquement possible, conserve des données aléatoires fortes et notamment sur un plan humain. L’expérience est le nom que l’on donne à l’erreur dit le philosophe. Rémy Julienne aurait pu faire sienne cet aphorisme. Sa cascade préférée : avoir fait passer une moto au-dessus d’une auto, elle-même au-dessus d’un avion, tout cela en vol. Du grand art !

Contacté par Disneyland Paris

C’est donc fort de cette expérience que Rémy Julienne a été contacté par Disneyland Paris pour mettre en place un show baptisé Moteur Action ! dans l’antre du nouveau parc Walt Disney Studio. Sur un plateau de 80 mètres sur 40, dans un décor méditerranéen calqué sur le port de Villefranche-sur-Mer, des cascades entre méchants et gentils vont se succéder à un rythme effréné. Voitures et motos noires contre voitures rouges, de tremplins en dérapages, de marches arrière frénétiques en acrobaties bondissantes, le tout dans un bouquet final de bouillonnement de flammes. Un scénario limpide et parfaitement ficelé où le public participe ! Du grand art !

“Et rien n’est laissé au hasard, confie Rémy Julienne. Chez Disney, le cahier des charges est des plus sévères. Pour le feu par exemple, il ne faut utiliser de l’huile mais de l’eau glycolée, les camions sur appui hydraulique sont habillés de revêtements absorbeurs au cas où l’un des cascadeurs soit au point de non retour. Nous disposons également d’accélérateurs électroniques qui fixent des vitesses - 74 km/h en maxi - par capteurs posés sur le compte-tours ».

Nous pénétrons peu à peu dans les coulisses du show avec Rémy Julienne. Nous croisons avec étonnement la voiture qui saute un tremplin en marche arrière. Astuce ! La carrosserie est inversée. Le pilote conduit en regardant la poupe du véhicule. Plus facile ainsi, à vrai dire !

La mécanique au service du spectacle

Détour pas l’atelier de mécanique, véritable atelier de rallyes. Découverte des prototypes, héros du spectacle. Sur un design signé Opel, ces protos, dont le premier a coûté plus de 150 000 euros, n’ont quasiment pas de porte-à-faux afin de pouvoir effectuer les sauts. Les roues sont repoussées dans les coins. « Sur le plan du style, le show devant durer plus de dix ans, il faut également que les protos soient indémodables, assurent Rémy Julienne. Ce sont un peu des moutons à cinq pattes ».

Des moutons à cinq pattes redoutables de technologie. Sur un châssis estampillé Vaison Sport (Le Creusot) et doté d’une boîte de vitesse qui fait pont, ces protos demandent un savoir-faire sur mesure suivant les instructions de Rémy Julienne. La motorisation est assurée par un bloc de moto 1300 cm³ de Suzuki Hayabusa qui développe 150 ch. Un gros alternateur a été ajouté à l’alternateur de moto, le proto accusant six cents kilos sur la balance alors que la moto en fait à peine trois cents. La chaîne a été troquée par une cascade de pignons avec limiteur de couple pour éviter que les pignons n’explosent. Ce bloc a été conçu avec quatre vitesses à l’avant et quatre à l’arrière. Pour aller aussi vite en marche avant qu’en marche arrière. C’est une boîte de transfert qui renverse le sens. « Nous utilisons toutes les techniques modernes en les détournant de leur usage normal, indique Rémy Julienne. Nous sommes des imposteurs, nous avons de nombreux vices ». La mécanique au service du spectacle !

Moteur Action ! représente une équipe de cinquante personnes - dix-sept pilotes cascadeurs – que rien n’arrête sinon le brouillard et des rafales importantes de vent. Cette équipe réalise trois shows par jour d’une demi-heure environ en semaine et quatre pendant le week-end, et ce, devant trois mille spectateurs à chaque fois. Indice de satisfaction du show : 96 points, le meilleur du nouveau parc. Rémy Julienne a encore bien travaillé.

Remerciements au site www.canalauto.com pour cet article.