ParkOtheK > Dossiers > Le Paris des Parcs : une ville... (Partie 2)  

  Cette rubrique va vous faire voyager dans le temps, à la découverte des grandes et petites Histoires des parcs d'attractions d'Europe et de la planète, mais aussi de rendre compte de l'évolution des technologies liées aux parcs de loisirs.
   

Les premiers parcs de loisirs auraient-ils vu le jour au coeur de Paris ? C'est ce que l'Histoire de la ville nous porte pourtant à croire. Au cours de cette série d'articles, nous vous invitons pour un voyage dans le temps à la découverte des tous premiers jardins spectacles parisiens qui animèrent la ville à partir de la seconde moitié du 18e siècle. Vous visiterez Paris comme vous ne l’aviez jamais imaginée, avec un immense jardin d’attraction là où se trouvent aujourd’hui la gare Saint Lazare et le quartier de l’Europe, avec des montagnes russes au bord des Champs Elysées et sur les collines de Belleville et un Luna Park à la place du Palais des Congrès de la Porte Maillot. Que l'histoire commence !

PARTIE 2 :
L'apogée des jardins-spectacles - Les premières montagnes russes


La vie dans les jardins-spectacles.

Un grand tournant pour l’histoire des jardins de divertissement fut amené par la révolution française et par la difficile période qui la suivit, la Terreur. Les jardins furent fermés et leur propriétaires souvent arrêtés ou exécutés. C’est ce qui arriva à M.Boutin. Arrêté en 1793 alors qu’il partait pour l’Angleterre, il fut guillotiné l’année suivante et son jardin déclaré « Bien National ».

Le renouveau des Jardins de divertissement arriva avec la période du Directoire en 1795. L’ambiance était à la détente et aux réjouissances après ces difficiles années de troubles pendant lesquelles la guillotine tournait à plein régime.

Un nommé Gérard Desrivieres loua le jardin de Tivoli afin de l’exploiter comme « Jardin-Spectacle public ». Cette appellation est importante car elle indique le moment où ces jardins deviennent accessibles au peuple, à la foule et non plus seulement à un cercle de privilégiés. Ce moment symbolise l’ouverture du tout premier parc d’attractions. Le succès fut immédiatement au rendez vous, la proximité du parc à la ville aidant. On y organisa de grandes fêtes pour trois mille personnes et on y tira des feux d’artifice. On y assista à de nouveaux envols de ballons et de nombreuses délégations diplomatiques (notamment de l’Autriche et de la Turquie) furent les invités d’honneur de fêtes somptueuses organisées pour l’occasion.


Jardin-spectacle à Lille sous le Directoire

En 1797 le domaine fut restitué aux héritiers de son premier propriétaire, Mr Boutin, par décision de justice. Ceux-ci désignèrent un administrateur pour gérer le domaine et ce dernier le sous-loua à un entrepreneur nommé Bermond. Celui-ci eu du mal à résoudre les nombreux ennuis financiers dus à la mauvaise gestion de son ancien administrateur.

Cela n’empêcha pas le déroulement de fêtes encore plus extraordinaires l’année suivante, en 1798, année qui marqua l’apogée de Tivoli à en lire les témoignages. On y organisa des représentations théâtrales qui faisaient venir des acteurs de l’Opéra ainsi que tout un système de machinerie pour les effets spéciaux. C’est également cette année qui marqua l’arrivée des attractions foraines dans le jardin de Tivoli, des emplacements étant loués aux forains. Et tout cela en maintenant ce qui avait fait le succès du parc auparavant, la musique, la danse, les lumières et les feux d’artifice.

Le parc connu une existence équivalente durant une bonne quinzaine d’années. En 1800 des abonnements furent proposés ce qui montrait l’entrée dans une ère stable et prospère. Un incident vient émailler cette période de réussite : en 1808 deux mille soldats devant rejoindre l’armée d’Espagne campèrent à Tivoli, l’état des jardins après est facile à imaginer.

Les Montagnes Russes à Paris

L’importante étape suivante qui nous intéresse tout particulièrement pour notre propos concerne l’arrivée des montagnes russes à Paris. Elles envahirent littéralement la ville à partir de 1815, leur croissance étant motivée par la célèbre course à l’armement déjà bien pratiquée à l’époque ! Pendant une dizaine d’années les constructeurs et promoteurs rivaliseront d’imagination, déposeront quantité de brevet (d’où les noms différents que l’on retrouve, montagnes russes, montagnes suisses, montagnes italiennes, promenades aériennes…) et se battront dans de spectaculaires procès à tel point d’inspirer l’écriture d’une pièce de théâtre.

Parmi ces épisodes on peut citer l’apparition des premières "montagnes russes" parisiennes d'abord à coté de la Barrière du Roule (17e arrondissement aujourd’hui) et sur les collines de Belleville (20e arrondissement aujourd’hui). Elles consistaient en de grands toboggans que l’on descendait à bord d’un chariot équipé de roues. C’était la grande nouveauté technologique d’après certains historiens qui estiment que c’est en France qu’est née l’idée de rajouter des roues aux chariots : les premières "montagnes russes" fabriquées à Saint Petersbourg en Russie près de cent ans auparavant se pratiquaient à bord de véhicules en osier, le long de plans inclinés verglacés. (voir notre dossier le Grand Historique des Montagnes Russes)

C’est également cette année là que les montagnes russes firent leur apparition à Tivoli. Elles comptaient cinq descentes en parallèle.

Rivale des grand jardins-spectacles de la rive droite, le parc de la Grande Chaumière est réputée dans tout Paris. Ouvert en 1783 sur le "nouveau boulevard" (Montparnasse), ce fut d'abord un bal, une piste de danse en terre qu'entouraient, l'été, de petites guinguettes en toit de chaume. Entre 1816 et 1820 s'y établirent des "montagnes suisses" impressionnantes (65 m de trajet) et un tir au pistolet. Pour 25 centimes, on accédait aux "montagnes suisses". Un observateur de l'époque raconte : "Un hangar se dressait au sommet d'un rocher de bois, peinturluré, d'où s'ébranlaient des chariots et gondoles qui exécutaient un trajet de 200 pieds environ. On accédait à la plate-forme du départ par un escalier à 6 étages, puis on se laissait glisser, monté sur un traineau ou un cheval de bois"


Les Montagnes suisses de la Grande Chaumière vers 1816.

Puis c’est en 1817 qu’est construite une montagne russe qui se démarquait de la simple descente en toboggan et qui préfigurait les montagnes russes qui existent aujourd’hui. Cette sublime réalisation fut construite au jardin Beaujon. Ouvert en 1794 il fut le principal rival de Tivoli et connu une existence similaire. Le jardin Beaujon (du nom de son propriétaire, un banquier) se trouvait sur les Champs Elysées (qui n’étaient à l’époque qu’une simple allée au milieu de rangées d’arbres) tout proche de la place de l’Etoile. Cette montagne russe était très originale par sa forme, deux descentes semi-circulaires partant du même point à 25 mètres de hauteur et arrivant à un autre point à la vitesse proche de 60 km/h. Le jardin utilisa une forme de marketing encore très pratiquée aujourd’hui, il invita les journalistes et les personnalités de l’époque une semaine avant l’inauguration de ses « Promenades Aériennes » (nouveau concept, nouveau nom !).

La réclame de l'époque se voulait déjà très rassurante sur la sécurité de l'installation :

"Quoique ce voyage soit sans nul danger, et que la perfection du mécanisme (que l'oeil ne voit point) et la solidité des constructions, doivent rassurer la timidité des belles, peut-être s'en trouvera-t-il quelques-unes qui n'oseront pas l'entreprendre; mais elles ne seront pas privées pour cela du délicieux coup d'oeil dont on jouit dans le pavillon élevé sur le sommet de la montagne".

Hélas, dès la fin de la première saison, un accident fit deux victimes légères. L'année suivante, deux autres personnes succombèrent à leurs blessures dans un accident semblable.


Les Promenades Aériennes de Belleville, en 1817.

En 1818 furent construites, au Jardin du Delta, dans un jardin proche de la barrière Poissonnière, de remarquables "montagnes égyptiennes" rivales de celles du jardin Beaujon. Elles ne restèrent en exploitaion que deux ans, en raison de leur conception défectueuse. : un haut pylône construit dans une thématisation égyptienne soutenait, comme le pilier d'un pont suspendu, des câbles sur lesquels glissaient les chariots, élevés par un treuil au départ.


Les Montagnes Egyptiennes au jardin du Delta

Enfin, l'année 1825 sonna le glas de la plupart des parcs de divertissement parisiens ainsi que de leurs impressionnantes montagnes russes. Ces dernières étaient toutes devenues dangereuses et ont provoqué de trop nombreux accidents. De plus, la valeur des terrains des jardins augmentant, ils ont presque tous été vendus, lotis puis construits dans les années qui suivirent. Les premières montagnes russes, à la conception plus empirique que scientifique, seront finalement restées debout moins d'une dizaine d'années. Elles reviendront à Paris, une vingtaine d'années plus tard, sous une forme beaucoup plus ... renversante !


Caricature des Montagnes Russes

Vincent Philippe

A suivre : Partie 3, De la fin du Grand Tivoli à nos jours.

Remerciements à Gilles Antoine Langlois, auteur de "Folies, Tivolis, et Attractions" (1991), édité par la Délégation à l'Action artistique de la ville de Paris.
Les illustrations ont été reproduites avec autorisation et sont soumises à copyright.

Partie 1 - Partie 2
ParkOtheK - Rubrique Evolution et Histoire - Mars 2007 - Contact : Vincent Philippe